Exercices et menace /
Une suite d’études scientifiques où s’accorde le « divertissement de société » à la violence des idées

Les guêpes du Panamà
de Zygmunt Bauman


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Un reportage sur un champ de bataille…
Et une aventure intellectuelle vécue par un groupe de chercheurs de la Zoological Society de Londres, suite à leur étude au Panamà sur la vie sociale des guêpes…

Un reportage sur un champ de bataille …

« Le champ de bataille même où nous luttons pour découvrir de nouveaux modes de pensée adaptés au monde dans lequel nous vivons, ainsi qu’aux vies que nous y menons – comment penser ce monde et ces vies, comment penser à ce monde et à ces vies, comment penser pour ce monde et pour ces vies. »

Ce que nous raconte sur un mode jubilatoire Zigmunt Bauman (à 85 ans), est une simple introduction à une étude où il s’attelle à la lourde tâche de penser l’éthique dans notre monde contemporain.

Et de s’intéresser effectivement aux « insectes sociaux », du moins aux aventures d’une équipe de chercheurs londoniens, au combat avec des guêpes, abusés par leur raison, et ne s’en sortant que « grâce aux méthodes éprouvées de mise en conformité de preuves anormales avec l’image d’un monde ordonné » … Ou comment essayer de comprendre le monde avec des outils à réformer, de toute urgence ! Une histoire délirante pour un monde qui ne l’est pas moins.

La conclusion, pour paraphraser bêtement ce qui est d’habitude de l’ordre du politique, est peut être une sorte de cri animal, du genre « nous sommes tous des guêpes du Panamà ! », en réaction à une piqure douloureuse, mais salutaire …

Car, comme le dit notre sociologue : « aujourd’hui, nous ressemblons tous – ou n’allons pas tarder à ressembler – aux guêpes du Panamá. Car plus précisément, c’est à ces insectes qu’il revient d’entrer dans l’histoire en tant que première entité sociale à laquelle s’applique un cadre cognitif émergent (un cadre qui reste à reconnaître et à approuver). Un cadre, en outre, dérivé de notre nouvelle expérience d’un cadre de cohabitation humaine de plus en plus hétérogène (sans doute à tout jamais), dérivé également du flou entourant la ligne de démarcation entre le dedans et le dehors, ainsi que de la pratique quotidienne de la gestion des différences. Il y a plus de deux siècles de cela, Kant prétendait qu’il serait un jour crucial pour l’espèce humaine de concevoir, d’élaborer puis de mettre en pratique des règles d’hospitalité mutuelle* » …

Ce qui semble d’actualité, et au moins de l’ordre d’une nécessité, dont il est très urgent de parler.
Et, avec une ironie tout à fait désespérée.

Thierry Bedard

* Ce philosophe rajoutait : « et ce pour la bonne raison que nous vivons à la surface d’une planète sphérique », ce qui me laisse vraiment perplexe …

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EXTRAIT

En effet, quiconque cherche à comprendre le monde – notre monde actuel, d’apparence familière, mais jamais à court de surprises; qui nie aujourd’hui ce qu’il présentait comme vrai hier, sans toutefois garantir que ce que nous tenons pour vrai ce soir ne sera pas réfuté demain dès l’aube – se trouve en situation de conflit. Un conflit particulièrement âpre, pour une tâche angoissante, interminable. Un conflit qui ne prendra jamais fin …

La vie semble avancer trop vite pour que la plupart d’entre nous puissions la suivre – sans parler d’anticiper ses mouvements. Il n’est rien de plus risqué que de prévoir une stratégie et de s’y tenir. La prévision à long terme paraissant, quant à elle, carrément dangereuse. Les trajectoires de vie sont ressenties comme découpées en épisodes. Épisodes dont les liens qui les relient ne sont perceptibles, dans le meilleur des cas, que rétrospectivement. Il en va ainsi en particulier des liens de cause à effet, des liens de détermination entre les épisodes. La signification et la destination du voyage génèrent autant d’angoisse et d’appréhension que ce monde plein de surprises – cette vie ponctuée de « nouveaux départs » – nous promet de plaisirs.

Une fois insérés dans ce cadre, contraints d’agir à l’intérieur, nous ne tirons aucun bénéfice des « filets conceptuels » dont nous avons hérité, ou que nous avons appris à utiliser pour saisir les réalités insaisissables. Les vocabulaires que nous employons d’ordinaire pour décrire nos découvertes se révèlent, eux aussi, inopérants. Quantité de concepts et de termes par lesquels nous exprimons une signification à nous-mêmes ainsi qu’à autrui sont désormais frappés d’inutilité. Nous avons urgemment besoin de trouver un nouveau cadre. Un cadre qui pourra saisir notre expérience, l’organiser de manière à nous en montrer la logique et présenter le message – message jusqu’alors caché, illisible, ou sujet à erreurs d’interprétation.

Vous suivez ?

Alors, je vais tenter un premier pas vers la mise au point du cadre en question.

Pour bien comprendre, observons l’aventure intellectuelle vécue par un groupe de chercheurs de la Zoological Society de Londres. Ces éminents savants se sont rendus au Panamá afin d’étudier la vie sociale des guêpes. Les scientifiques avaient emporté tout un équipement technologique dernier cri, grâce auquel ils purent suivre, six mille heures durant, les évolutions de 422 guêpes appartenant à trente-trois nids.

De fait, depuis que l’expression « insectes sociaux » – catégorie comprenant les abeilles, les termites, les fourmis et les guêpes – a été créée puis popularisée, les zoologues les plus éminents partagent avec le commun des mortels une conviction rarement mise en question: la conviction selon laquelle la « sociabilité » des insectes se limite à leur nid. Au nid dans lequel ils ont éclos, dans lequel ils rapportent leurs butins et qu’ils partagent avec les autres membres de la ruche. La possibilité que certaines ouvrières – abeilles ou guêpes – franchissent une frontière entre deux nids, qu’elles abandonnent leur ruche de naissance pour en intégrer une autre, leur ruche de choix, cette possibilité, donc, passait pour incongrue. L’axiome voulait, au contraire, que, en pareil cas, les membres indigènes, et par conséquent « légitimes » du nid chassent le nouveau venu, et le suppriment en cas de résistance …

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Ce spectacle, créé dans le cadre des Exercices et menaces*, est présenté dans une « salle de conférence » étonnante où de multiples écrans de cinéma sur pieds – de guerre – ne semblent être là que pour décliner leur inutilité (il est impossible en effet d’avoir avoir accès aux études de la Zoological Society de Londres, qui protège ses sources et n’a pas laissé de documentaire à projeter pour édifier le public passionné par les insectes sociaux – par ailleurs, les guêpes du Panama, après avoir souffert d’être baguées, ont catégoriquement refusé d’être filmées).

La vie de ces guêpes révoltées, sera donc raconté par un(e) scientifique très sensible à la « morale de l’histoire », et dans un rapport total d’identification à la bête, jusqu’à se prendre pour une sale bête, ou un gros bourdon – d’origine étrangère.

Une femme ou un homme sensible aussi évidemment à une musique électrique explosive et « bourdonnante » (difficile de trouver meilleure définition) d’un des groupes rock newyorkais des plus sauvages …

*Une suite d’étude scientifique où s’accorde le « divertissement de société » à la violence des idées (le mot exercice ne doit pas faire oublier que l’on s’exerce toujours en vue d’un danger réel afin d’empêcher que le pire survienne).

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DISTRIBUTION

Texte de Zygmunt Bauman
Introduction de l’ouvrage L’Ethique a-t-elle une chance dans un monde de consommateurs? (Climats, 2009)

Traduction Christophe Rosson

Mise en scène Thierry Bedard

Jeu Rebecca Finet

Musique Sonic Youth

Création sonore Jean-Pascal Lamand

Création lumière Jean-Louis Aichhorn

Assistante à la mise en scène Tünde Deak

Scénographie avec la complicité de Marc Lainé

Régie générale Camille Mauplot

Régie son Clément Rose

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PRODUCTION

notoire la menace / Paris
Domaine d’O / Montpellier
En co-réalisation avec l’Echangeur / Bagnolet

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ACTUALITE

Les guêpes du Panamà
Zygmunt Bauman

Domaine d’O / Montpellier
2013

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BONUS

{> télécharger le dossier en pdf

{> biographie de Zygmunt Bauman

{> entretien de Zygmunt Bauman avec Catherine Portevin

{> entretien avec Thierry Bedard sur le cycle notoire la menace


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